Parce que l’univers n’a pas de structure, que l’homme n’est qu’un accident de la matière, que le monde est périssable et l’âme mortelle ; parce qu’aucune intelligence, aucune finalité, mais seulement la causalité aveugle et le hasard président à toutes les créations de la nature, que les plus grands des maux qui accablent le monde et l’homme ne sont que des accidents voulus par personne et ne signifiant rien ; parce qu’il n’y a ni justice, ni morale, ni droits, ni devoirs autres que ceux résultant du pacte social de non-agression ; parce que l’histoire, au moins en tant qu’il s’y passe quelque chose, est insensée ; enfin parce que le plaisir ne peut être indéfiniment accru (de sorte que tous les efforts de la civilisation pour multiplier les biens et les plaisirs sont faits en pure perte puisqu’ils ne peuvent accroître la capacité humaine de joie), le sage, qui sachant tout cela, s’est délivré des illusions qui produisent les craintes vaines et les faux désirs peut, conscient et calme, éprouver la joie pure, et, sans être éternel, vivre en éternité comme un dieu.

Marcel Conche, Lucrèce, p. 119.

mardi 7 juillet 2015

Nonis Iuliis. Constantin Cavafy (1863-1933)

Garde toujours Ithaque présente à ton esprit .
Y parvenir est ton but final .
Mais ne hâte pas du tout ton voyage.
Mieux vaut qu’il dure de nombreuses années ;
et qu’aux jours de ta vieillesse enfin tu jettes l’ancre
dans ton île,
riche de tout ce que tu as gagné en chemin,
sans t’attendre à ce qu’Ithaque te donne des richesses.
Ithaque t’a donné le beau voyage.
Sans elle, tu ne te serais pas mis en route.
Elle n’a plus rien d’autre à te donner .
Même si tu la trouves pauvre, Ithaque ne t’a pas trompé.
Sage comme tu l’es devenu, avec tant d’expérience,
tu dois avoir déjà compris ce que signifient les Ithaque."